NARMOL - La mairie d'Hénin-Beaumont n'est pas tout à fait comme les autres. D'abord parce que son maire, Steeve Briois (FN), est l'élu local de l'année (souvenez-vous). Mais aussi parce que les conseils municipaux dans cette ville sont, disons, particuliers.
Notamment celui qui s'est tenu mercredi 8 avril au soir. Une longue séance (plus de trois heures) consacrée au budget municipal et qui a donné lieu à des échanges *un poil* tendus entre Steeve Briois et les élus d'opposition.
Auprès du Lab, l'élue EELV Marine Tondelier explique d'entrée :
"Steeve Briois a pété un plomb. On a vu son burn-out en direct. Il était en furie.
"
Contacté par Le Lab, le maire d'Hénin-Beaumont n'a pas répondu à nos sollicitations. Son adjoint à la communication, Bruno Bilde, explique en revanche que le maire "a beaucoup moins pété les plombs que monsieur Filipovitch, conseiller municipal socialiste, contre qui nous allons porter plainte pour diffamation [voir en fin d'article, ndlr]."
L'enregistrement sonore du conseil municipal que le Lab s'est procuré, ainsi que le récit qu'en a fait La Voix du Nord, montrent le climat de tension extrême dans lequel se sont déroulés les débats.
En voici un extrait (constitué de deux passages raccordés par nos soins ; la coupure s'entend aux alentours de 2'15") :
Les esprits s'échauffent en réalité progressivement tout au long de discussions souvent techniques, émaillées d'anathèmes, d'accusations réciproques et de menaces de plaintes et de procès dans les deux camps (le tout suscitant selon les cas indignation, jubilation ou applaudissements d'un public acquis à la cause de l'équipe municipale).
C'est dans ce contexte que Steeve Briois soumet le budget au vote. Plusieurs élus d'opposition, qui souhaitent voter 'contre', demandent à formuler une explication de vote. Le maire refuse et expédie à toute vitesse les votes sur les différents chapitres du budget, malgré les protestations. Et s'énerve devant l'opposition qui répète qu'elle "vote contre tout le texte". Briois lance :
"Excusez-moi mais on vote chapitre par chapitre, comme le veut la loi. Alors si ça vous intéresse pas, vous pouvez partir fumer une clope !
"
Pour signifier leur "refus de vote", les élus d'opposition décident alors de ne plus lever le bras pour prendre part aux scrutins. Le maire s'emballe, dans l'hilarité générale :
"- Steeve Briois : Qui est pour ? Qui est contre ? Les manchots, ici, lèvent la main ? Non ? Allez...
- Marine Tondelier : C'est inadmissible monsieur Briois, c'est inadmissible. Vous êtes un clown !
[...] - Steeve Briois : Qui est pour ? Qui est contre ? Qui a perdu ses bras ? Personne ! Tout le monde ! [...] Qui est pour ? Qui est contre ? Qui n'a plus de bras ? Qui n'a plus de courage ?
"
Une réplique fuse à l'attention du maire :
"Vos méthodes sont pires que dans une république bananière !
"
Des élus s'interrogent : "Qu'est-ce qu'on fout ici ?", "Bah je sais pas, j'ai envie de partir..." Et décident finalement de quitter la salle, sous les huées du public et accusés par le maire de "déserter la séance".
Bruno Bilde rétorque que "les six élus d'opposition, sur les 35 que compte le conseil municipal, ont eu quasiment 1h30, ce qu'on ne voit quasiment jamais nulle part, pour s'exprimer et dire qu'ils voteraient contre le budget." Il estime d'ailleurs que Steeve Briois "a été beaucoup trop généreux avec le temps de parole de l'opposition" et souhaite désormais établir un temps de parole "proportionnel à la représentation politique des groupes".
Les débats reprennent ensuite, dans une ambiance toujours aussi sereine. Dans le public aussi, le ton monte. Marine Tondelier se plaint de se faire "traiter de conne" par une habitante ; un autre élu ajoute : "Nous nous faisons insulter".
Une militante socialiste présente dans le public, Dounyazade Majdidi, a même porté plainte, jeudi, pour agression verbale et menace d'agression physique contre un habitant, qu'elle décrit comme "pro-FN" et particulièrement virulent. Elle raconte au Lab :
"Il était nerveux, excité, il criait des insultes envers les élus. J'ai demandé de vive voix le silence pour pouvoir entendre les débats. Il m'a prise à partie en me disant : 'Si je me lève, tu vas voir ta gueule !'
"
Un agent de sécurité de la municipalité vient alors discuter avec Dounyazade Majdidi. "Il m'a dit qu'il allait déposer une main courante, mais le maire, lui, n'a rien dit, n'a pas condamné ce comportement et a refusé de me parler quand je suis allée à sa rencontre après la séance".
Marine Tondelier accuse Steeve Briois de provoquer ce genre d'incidents. "Le maire a la responsabilité de ce qui se passe pendant le conseil municipal, estime-t-elle. C'est lui qui est censé 'faire la police' dans l'assemblée."
Bruno Bilde rétorque que "tous les témoins autour", soit "quatre personnes", contestent les affirmations de Dounyazade Majdidi, et que l'équipe municipale a "aussitôt fait intervenir la police municipale". Contactés, les services de police de la ville n'ont pas été en mesure d'apporter des précisions.
Selon Marine Tondelier, ce climat exécrable n'est pas spécialement nouveau mais a atteint un nouveau seuil mercredi. Et La Voix du Nord, qui assiste à tous ces conseils, de s'interroger : "Mais comment a-t-on bien pu en arriver là ?"
Bruno Bilde ne se pose pas cette question. "Mercredi, ça a duré longtemps, mais c'est souvent comme ça".
[BONUS TRACK]
Une autre scène s'était auparavant déroulée. Stéphane Filipovitch, élu socialiste, aborde le sujet de l'augmentation des frais de réception depuis le passage de la mairie au FN. Il dénonce un budget amputé de 135.000 euros pour ces seules dépenses, "qui correspondent à de petites fêtes entre amis".
Le public rugit d'indignation (redoublée à l'évocation par l'élu socialiste de chiffres "manipulés") et l'adjoint du maire chargé de la communication, Bruno Bilde, menace immédiatement Stéphane Filipovitch d'une plainte en diffamation.
Steeve Briois *accède* ensuite aux demandes de l'opposition, qui l'invite à plusieurs reprises à rappeler l'assistance au calme... mais il le fait par une imitation d'Édouard Balladur :
"Je vous demande de vous arrêter.
"
Pour rappel, le vrai "je vous demande de vous arrêter", c'est ça :