"Hors de question. Enfin, faut voir. Mais non quand même. Peut-être mais là n'est pas la question. Et puis, ils n'ont qu'à venir chez moi, eux." Ainsi pourrait-on résumer trois ans de positionnement obscur de Nicolas Dupont-Aignan sur un éventuel rapprochement entre Debout la France et le Front national.
Depuis sa campagne présidentielle de 2012, le député de l'Essonne n'en finit plus d'être interrogé sur la proximité entre son parti et celui de Marine Le Pen. Et il n'en finit plus, non plus, d'entretenir une ambiguïté à ce sujet. Officiellement, Debout la France refuse toute alliance électorale avec le FN et démet sans sourciller ceux qui s'affranchissent de cette règle. Mais, toujours officiellement, le dialogue avec Nanterre reste possible.
Mardi 26 mai, sur RTL, Nicolas Dupont-Aignan ne ferme pas la porte à de telles discussions, surtout que Jean-Marie Le Pen a été récemment suspendu de son statut d'adhérent du FN :
"- Nicolas Dupont-Aignan : Je respecte le Front national, je me réjouis de voir un premier ménage fait, j'attends de voir ce qui se passera. [...]
- Jean-Michel Aphatie : Après le départ de Jean-Marie Le Pen, vous pourrez commencer le dialogue ?
- Nicolas Dupont-Aignan : Écoutez nous verrons comment évolue le Front national, ce que je constate c'est qu'il ne suffit pas...
- Jean-Michel Aphatie : Il n'y a pas de contact pour l'instant ?
- Nicolas Dupont-Aignan : Il n'y a pas de contact et ce que je constate c'est qu'il ne suffit pas de décrocher le portrait de la vitrine, il faut aussi nettoyer l'arrière-boutique.
"
Pour rappel, en octobre 2013, le même "NDA" jugeait que "Marine Le Pen n’a pas aujourd’hui des propos d’extrême droite mais son parti reste d’extrême droite puisque son président reste toujours Jean-Marie Le Pen". Ce dernier mis au ban, l'argument "extrême droite" qui l'éloigne selon lui du FN ne devrait donc plus tenir. Enfin, si on suit bien.
Mais le rapprochement n'est toujours pas d'actualité. Car le président de Debout la France met en garde contre un "piège" : "Faire croire aux Français que si on ne soutient pas ceux qui nous gouvernent, on doit partir au Front national". Lui estime être "la preuve vivante qu'on peut proposer une alternative politique sans être au Front national".
Toujours ce 26 mai, le député est ensuite gentiment cuisiné par LCP sur la ressemblance idéologique entre les deux partis. Un dialogue au cours duquel l'intéressé fait TOUT pour répondre à côté de la plaque, répétant mécaniquement qu'il est "gaulliste" :
"- LCP : Qu'est-ce qui vous différencie du Front national ?
- Nicolas Dupont-Aignan : Mais je suis gaulliste ! Mais je suis gaulliste, c'est tout !
- LCP : Monsieur Philippot [vice-président du FN, ndlr] se réclame du gaullisme...
- Nicolas Dupont-Aignan : Oui, enfin monsieur Philippot n'est pas le Front national, je suis gaulliste...
- LCP : Monsieur Philippot n'est pas le Front national ?
- Nicolas Dupont-Aignan : Il ne représente pas tout le Front national, que je sache.
- LCP : C'est quand même le porte-parole numéro 1 du Front national en ce moment.
- Nicolas Dupont-Aignan : Je suis gaulliste...
- LCP : Et il vous fait des appels du pied pour le rejoindre.
- Nicolas Dupont-Aignan : Monsieur Philippot est Monsieur Philippot, le Front national est le Front national, Debout la France est un parti gaulliste. [...] Il y a un patriotisme qui est le Front national, qu'on connaît bien, on en parle assez. Eh bien moi j'aimerais qu'on parle d'un autre patriotisme, qui est le mien, qui est celui de ceux qui m'accompagnent.
- LCP : Ça veut dire que vous rejetez l'appel du pied de monsieur Philippot ?
- Nicolas Dupont-Aignan : Mais je ne rejette pas...
- LCP : Bah si ! Il faut prendre position : vous excluez définitivement un rapprochement avec le Front national ?
- Nicolas Dupont-Aignan : Écoutez, je laisse les choix aux Français. Voilà. J'offre un choix et je suis absolument convaincu qu'on arrivera à sortir de la crise si on présente des solutions concrètes et pas simplement des protestations, voilà.
"
Concrètement, il ne répond donc pas à la question. Surtout, le numéro 2 de Marine Le Pen revendique la même filiation gaulliste ... On précisera d'ailleurs que, pas plus tard que le 14 mai et interrogé par Le Lab, Nicolas Dupont-Aignan invitait Florian Philippot à rejoindre son parti. "Il sera beaucoup plus heureux et il sera très bien", expliquait-il alors.
Souvenez-vous aussi que l'ancien candidat à la présidentielle fait partie des "souverainistes" qui entrent dans la majorité rêvée du Front national, cette "grande alliance patriote" imaginée par Marine Le Pen.
Mais les deux formations restent concurrentes sur le terrain du "patriotisme" à tout crin. Dupont-Aignan se fait donc un plaisir de rappeler, dès que l'occasion se présente, que son "patriotisme rassembleur et éclairé" est meilleur que celui de Marine Le Pen.
On résume l'équilibrisme de Nicolas Dupont-Aignan : le canal de discussion n'est pas fermé, mais les tractations ne sont pas à l'ordre du jour. D'ailleurs, trop de choses différencient les deux partis... sauf que tous deux font de ces prétendus obstacles des éléments de leur identité. Bref, on verra à l'avenir, mais il a bien l'intention de jouer crânement sa chance.
On espère que vous y voyez plus clair. Nous, moyennement. Enfin, un peu quand même. Mais pas beaucoup. Oh et puis zut.
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