MON ADVERSAIRE - François Fillon, ce Margaret Thatcher français des temps modernes dont le programme se résumerait à "du sang et des larmes", selon la célèbre formule churchilienne : voilà l'angle d'attaque de la gauche et du FN contre le vainqueur de la primaire de la droite et son projet "radical". Des mots que l'ancien Premier ministre a qualifiés de "tract" émis par ses "adversaires", au même titre que la "purge" ou la "casse sociale" qu'il proposerait. Des mots que Laurent Wauquiez, que l'on peut difficilement classer à gauche, reprend cependant à son compte.
C'est pourtant par une nouvelle déclaration de soutien sans faille que le président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes commence son interview sur RTL, mercredi 11 janvier : "Je considère que tout le monde est filloniste. Si vous m'interrogez de ce point de vue sur des 'états d'âme' [...] que pourraient avoir des sarkozystes, y'a pas de place pour des états d'âme. [...] Et donc mon soutien, il est sans la moindre ambiguïté, mon engagement, il est total." Cela étant dit, l'ancien président par intérim de Les Républicains revendique aussi sa liberté de parole :
"Ma force, aussi, c'est celle d'un homme libre. Totalement loyal mais libre. Et qui veut que la droite porte un programme qui soit équilibré, courageux, clairement autour des convictions de notre famille politique.
"
Le programme de François Fillon ne serait donc pas "équilibré" ? C'est exactement cela et même plus, selon Laurent Wauquiez. Car s'il s'oppose à toute reculade par rapport au corpus idéologique porté par l'ex-chef du gouvernement durant la primaire, il répète son souhait de voir ce projet "enrichi". Et pour le dire, il attaque sans ménagement :
"Un projet présidentiel en 2017, ça ne peut pas être que 'du sang et des larmes'. Ça ne peut pas se résumer juste à dire : 'On va faire des efforts et des sacrifices'. Ce qui intéresse ceux qui nous écoutent, c'est : des efforts d'accord, mais pour faire quoi ? Après les nuages, c'est quoi le ciel bleu ?
"
Il est alors un peu moins de 8 heures du matin. À peine une demi-heure plus tard sur BFMTV, le candidat à la présidentielle répond tout aussi vertement au vice-président du parti :
"Je pense que c'est inutile de reprendre le mot de la gauche. 'Le sang et les larmes', c'est aujourd'hui, c'est pas le programme que je propose. Je propose au contraire un programme pour que les Français aient du travail, pour atteindre le plein emploi, pour que la France retrouve sa puissance et puisse reprendre sa place dans le monde. Et donc mon programme ne sera pas amendé. Il sera enrichi - si Laurent Wauquiez a des idées supplémentaires pour enrichir le programme, il est le bienvenu - mais il ne sera pas amendé.
"
Voilà donc Laurent Wauquiez accusé par le champion de la droite de "reprendre les mots de la gauche", ce qui n'a pas dû lui arriver bien souvent. François Fillon est en tout cas constant en ce qui concerne cet élément de langage, puisqu'il disait la veille, lors de ses vœux à la presse :
"Contre le redressement national, mes adversaires ont rédigé leurs tracts : 'sang et larmes', 'purge', 'casse sociale', et pourquoi pas l'Apocalypse ? Mais la casse sociale elle est là, elle est sous vos yeux, chaque jour depuis 5 ans.
"
Alors bien sûr, "l'héritier" autoproclamé (et contesté) de Nicolas Sarkozy n'a jamais parlé de "casse sociale" ou "d'Apocalypse" pour s'en prendre à l'ancien "collaborateur" de l'ex-chef de l'État. Mais voilà au moins un élément de langage majeur des "adversaires" de François Fillon que Laurent Wauquiez fait sien, ce qui n'a pas échappé à l'intéressé.
On note aussi la présence, dans la précédente liste dressée par Fillon, du mot "purge", que la gauche et le FN ont utilisé. Mais le terme avait également été employé par... Laurent Wauquiez (again), qui avait dénoncé la "purge méthodique" menée par le vainqueur de la droite à l'encontre des sarkozystes au sein du parti.
[BONUS TRACK] T'es so 2007, Lolo
Parmi les "enrichissements" que Wauquiez souhaite pour le programme de Fillon, il y a une mesure en particulier : le retour des heures supplémentaires défiscalisées, instaurées par Nicolas Sarkozy avant d'être supprimées par François Hollande et que Manuel Valls et Marine Le Pen, par exemple, proposent désormais à leur tour.
Alors que François Fillon ne veut pas rouvrir ce chantier, Laurent Wauquiez l'incite sur RTL à le faire au nom de "la valeur travail" :
"Cette mesure, on a vu qu'elle marchait, elle a été plébiscitée par les Français, voulue par Nicolas Sarkozy, mise en place par le gouvernement de François Fillon. Il faut que dans le programme de 2017, il y ait ce signal pour la France qui travaille avec le retour de la défiscalisation des heures supplémentaires.
"
Fin de non-recevoir immédiate du candidat sur BFMTV :
"J'ai entendu qu'il proposait la défiscalisation des heures supplémentaires. On est en 2017, on n'est pas en 2007. Il y a dix ans, on a défiscalisé les heures supplémentaires ; aujourd'hui, ça n'aurait aucun sens. Ça n'aurait aucun sens de subventionner les entreprises pour que les Français travaillent plus, de les subventionner pour les 35 heures, c'est-à-dire de les subventionner des deux côtés, et d'emprunter sur les marchés internationaux pour financer tout ça, voilà.
La réponse, elle est : non.
"
Fin du game.
À LIRE SUR LE LAB :
> Fillon fait remarquer que Wauquiez est le seul sarkozyste à "se plaindre" des nominations à LR