"C'est un rappeur de Boulogne qui est très connu, c'est le King de Boulogne." Oui, Thierry Solère connaît bien Booba (dont le surnom est en réalité "le Duc de Boulogne" mais passons). Et pour cause : les Hauts-de-Seine sont le turf des deux hommes. En 2012, il lui avait même décerné un avantage sur Claude Guéant dans la course au titre de "king de Boulogne". Mais leurs points communs et leur sympathie respective s'arrêtent à peu près là. Car le député UMP n'est visiblement pas un grand fan des idées de B2OBA.
Mardi 14 avril sur iTÉLÉ, le député UMP s'en est pris à la sortie du rappeur sur Charlie Hebdo, dans une interview vidéo au Parisien.fr lundi (article payant). "Je condamne bien sûr tout à fait ces propos qui sont absolument odieux", a expliqué Thierry Solère, après avoir tenté de chauffer Booba sur son terrain : celui de la punchline. Le proche de Bruno Le Maire a attaqué :
"Je regrette que ce garçon, qui a du talent dans son secteur d'activité, fasse des clins d’œil et du marketing alors qu'il n'habite plus la France essentiellement, pour qu'une clientèle - croit-il - le trouve sympa et compagnie.
"
Mais qu'a donc dit Booba pour mériter de se faire clasher de la sorte de bon matin ? Affirmant "comprendre aussi bien les 'Je suis Charlie' que les 'Je ne suis pas Charlie'", il a notamment estimé, au sujet du journal satirique cible d'un attentat sanglant le 7 janvier dernier, que "quand on joue avec le jeu, on se brûle". Voilà les propos incriminés :
"J'étais étonné que ça ne soit pas passé avant, parce que ce n'est pas la première fois qu'ils avaient fait des représentations du prophète. [...] Dans la vie, il faut assumer ses choix. Si tu habites en Australie au bord d'une plage infestée de requins blancs, [...] que tu le sais et que tu continues à te baigner tous les jours, le jour où tu te fais croquer par un requin blanc il faut assumer. [...] Ils savent à qui ils ont affaire, les mecs. Ils s'attaquent à l'islam, ils savent très bien qu'il y a un courant extrémiste, ils savent très bien comment les mecs fonctionnent, ils ont pris le risque de continuer à les attaquer... Voilà. Quand on joue avec le feu, on se brûle.
"
Dans la version papier de son entretien avec le quotidien, le rappeur qui se dit "musulman mais pas pratiquant" expliquait également : "Je comprends l'indignation des gens après l'attentat, je comprends aussi l'indignation de certains musulmans qui se sont sentis insultés par un journal, même si je ne cautionne pas un tel attentat. Mais Charlie Hebdo a pris des risques".
Sur le morceau Les Meilleurs, issu de son dernier album D.U.C, il dit encore :
"Ai-je une gueule à m’appeler Charlie ? Réponds-moi franchement. T’as mal parlé, tu t’es fait plomber. C’est ça la rue, c’est ça les tranchées.
"
Pas très "Charlie" en effet. "Tout le monde a une responsabilité. Les chanteurs, les artistes, les journalistes. Voilà, il faut pas tout mélanger dans la vie", a rétorqué Thierry Solère. Et de poursuivre :
"Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de gens qui pensent ça, mais il y a par contre des gens aujourd'hui qui veulent nous importer des conflits extérieurs et qui ne comprennent pas comment ça fonctionne en France, ou qui ne veulent pas se soumettre à ça. En France, on est en République. Ça veut dire que tous les citoyens, quelles que soient leurs différences, sont en capacité d'exercer leur culte, de vivre tranquillement et paisiblement en fonction de leurs spécificités mais dans le respect de la règle commune.
"
Sur iTÉLÉ plus tôt dans la matinée, le député UMP des Alpes-Maritimes Éric Ciotti a demandé l'ouverture d'une enquête préliminaire sur les propos de Booba. "Ce sont des propos intolérables, inacceptables, indignes, honteux, a-t-il fustigé. Il y a dans ces mots une forme d'apologie du terrorisme, de justification du terrorisme. Cela relève d'une qualification pénale et j'attends que le parquet de Paris engage des poursuites contre ce triste personnage".
"Je serais étonné que le parquet ne le fasse pas", a abondé Thierry Solère, qui précise au Lab qu'il s'agit à son sens "d'incitation à la haine raciale".