LE POIDS DES MOTS - Sur l'échiquier politique, l'expression "grand remplacement" est cantonnée à l'extrême droite. Et encore, une bonne partie du FN se refuse à la prononcer, et pas la moindre : le numéro 2 Florian Philippot et la présidente Marine Le Pen (qui ne partage pas cette vision "complotiste" même si elle parle à l'occasion d'"invasion migratoire") ne l'emploient pas, contrairement à Gilbert Collard ou Marion Maréchal-Le Pen. À droite, il arrive aussi que certains y fassent de grosses allusions sans le dire franchement (n'est-ce pas, Nicolas Sarkozy ?).
Mardi 17 janvier, Nicolas Dupont-Aignan ne prononce pas non plus ces mots explicitement, mais c'est tout comme. Le candidat à la présidentielle sous la bannière de son parti, Debout La France, réagit à l'information selon laquelle la fécondité baisse en France pour la deuxième année consécutive. Selon les chiffres de l'Insee publiés ce lundi, 785.000 bébés sont nés en 2016, soit 14.000 de moins qu’en 2015 (où l'on avait déjà constaté une baisse de 20.000).
Sur Twitter, le député des Yvelines fait le lien entre cette baisse du taux de natalité (à 1,93 enfant par femme) et... "l'invasion migratoire" qui serait organisée par "les socialistes" pour "compenser" cette diminution de la fécondité. Il ajoute, dans une référence transparente au "grand remplacement" (et au slogan de François Hollande en 2012) qui est une première de mémoire de Lab :
"Le changement de population, c'est maintenant !
"
En 2016, les socialistes compensent la baisse de natalité par l'invasion migratoire. Le changement de population, c'est maintenant !
— N. Dupont-Aignan (@dupontaignan) 17 janvier 2017
Selon "NDA", les choses sont donc très claires : le gouvernement procède sciemment au remplacement de la population française par des immigrés qui "envahissent" l'Hexagone. Le concept de "grand remplacement", théorisé par l'écrivain d'extrême droite Renaud Camus, pose pour sa part que des Français blancs seraient, à terme, remplacés par une population extra-européenne, majoritairement maghrébine et subsaharienne.
Une sortie qui vise certainement, de la part de Nicolas Dupont-Aignan, à séduire une frange de l'électorat plus radicale que la sienne propre, ce discours plus ou moins assumé sur le "grand remplacement" étant jusqu'ici l'apanage du Front national. Or, le leader de Debout La France se pose en "alternative" entre le PS et LR d'un côté et le FN de l'autre. Pour ce faire, il répète mécaniquement qu'il est "gaulliste" et fait valoir son "patriotisme rassembleur et éclairé" par opposition à celui du Front qui ne le serait pas.
Reste à savoir si parler de "grand remplacement" - pardon, de "changement de population" - s'insère parfaitement dans cette stratégie.
[EDIT 18/01]
Invité de Franceinfo: mercredi, Nicolas Dupont-Aignan a "assumé" la théorie du "remplacement de population". Il a déclaré :
"Nous sommes, face au phénomène migratoire en France, face à un déni de réalité. Ces chiffres sont effrayants. La réalité, c’est que, pour la première fois, l’immigration légale (je parle pas des clandestins, je parle pas des demandeurs d’asile qui se voient refuser l’asile - et qui sont pas expulsés) aboutit à 226.000 entrées légalisées sur le territoire, alors que l’excédent naturel français est l’un des plus bas de ces dernières années puisque nous sommes passés à 198.000. Cela veut dire que, comme on a réduit la politique familiale, comme on a réduit le pouvoir d’achat, comme ils ont accablé les Français d’impôts, les migrations prennent de l’ampleur. Je suis attaché à l’égalité des droits des Français et des étrangers quelle que soit leur couleur, leurs origines. Mais il ne peut pas y avoir d’assimilation, c’est-à-dire d’égalité des droits, de modèle républicain quand on est pas capable de maîtriser les entrées sur notre territoire. On atteint la cote d’alerte. Nous devons absolument bloquer l’immigration et renforcer la natalité. [...] J’assume ce que je dis : si on continue à ne pas maîtriser les flux dans notre pays, la population change et l’assimilation républicaine ne se fait plus par l’emploi ni le destin commun. [...] Si on ne fait rien, on est en voie d’un remplacement de population qui n’est pas bon pour la population française ou étrangère car elle remet en cause notre modèle républicain.
"
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À LIRE SUR LE LAB :
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