DANGEREUX - François Fillon ne cache pas sa foi. Le candidat à la présidentielle, investi par la droite, est chrétien, il l'affiche et le revendique publiquement depuis longtemps. Cela n'avait choqué presque personne jusqu'ici. Mais les plus récents propos de l'ancien Premier ministre sur le sujet sont en train de susciter une polémique, notamment à droite.
En se disant "gaulliste" et "chrétien" sur TF1 le 3 décembre, François Fillon a notamment choqué François Bayrou qui, bien que "chrétien" lui-même, lui a demandé d'arrêter ces "mélanges déplacés" entre politique et religion, qualifiant la chose de "dérive". Et Henri Guaino partage le même point de vue. Sur LCI jeudi 5 décembre, le député LR qui a décidé de s'affranchir de la primaire pour se présenter directement à la présidentielle explique que cette phrase de François Fillon le "choque profondément". Il l'accuse de clientélisme et (à demi-mots) de "communautarisme" :
"Répondre à une question sur sa foi et ne pas en avoir honte est une chose, mais en faire un argument électoral me pose un vrai problème.
On peut pas lutter contre le communautarisme et avoir le candidat des chrétiens, le candidat des musulmans, le candidat des juifs, le candidat des Francs-maçons, etc.
"
Mais la charge s'alourdit encore. Car Henri Guaino, armé d'un *lance-roquettes* verbal, parle ensuite "d'erreur", de "faute", puis de "faute morale", accusant le vainqueur de la primaire d'entraîner le débat sur un "terrain dangereux pour la cohésion de la nation et pour nos institutions" :
"Je sais pas si c'est le climat à droite mais je pense que ça, c'est une erreur, voire même une faute. Comment voulez-vous dire après, comment voulez-vous critiquer les musulmans qui vont faire des listes musulmanes et qui vont présenter des candidatures musulmanes ? Ça n'est pas possible. C'est une faute. C'est une faute. Elle a des conséquences. Je trouve que c'est une faute morale parce que ça nous entraîne sur un terrain sur lequel, il me semblait, nous ne voulions pas aller.
La chrétienté, le catholicisme, ça n'est pas une catégorie électorale, ça n'est pas une clientèle électorale, ça ne doit pas l'être, on n'est pas le candidat des chrétiens. D'ailleurs on n'est pas non plus à mon sens, à la présidence de la République, le candidat de la droite, le candidat de la gauche, le candidat de tel ou tel parti. On aspire à devenir l'homme de la nation. Quand on oublie cela, ça ne fonctionne plus, l'institution s'effondre et avec l'institution présidentielle, tout le reste aussi.
Par rapport à la fonction présidentielle et à nos institutions, c'est une faute. Je pense qu'il devrait corriger le tir, parce que c'est nous entraîner sur un terrain extraordinairement dangereux pour la cohésion de la nation et pour nos institutions.
"
Notons que ce genre de choses n'a pas toujours révulsé Henri Guaino à ce point : en 2007, il était conseiller et "plume" du Président Nicolas Sarkozy et soutenait mordicus son discours sur les "racines chrétiennes de la France", dont il était vraisemblablement l'inspirateur.
Aujourd'hui, l'ambiance est glaciale entre François Fillon et Henri Guaino, le second refusant de se ranger derrière le premier et fustigeant son programme dans les termes les plus durs. En conséquence de quoi le filloniste Jean-François Lamour, placé à la tête de la Commission nationale des investitures (CNI) de LR menace de retirer à Guaino son investiture pour les législatives de juin prochain.
Visiblement, les deux hommes semblent bien décidés à ne rien laisser passer à l'autre.