RÉSISTANCE - Imaginez : avec quelques collègues un brin nostalgiques d'une époque révolue, vous souhaitez plus ou moins secrètement que votre nouveau patron applique l'ancien règlement intérieur de votre boîte, tombé en désuétude depuis le départ en retraite de votre boss précédent. Pas de bol : il y est catégoriquement opposé et le dit publiquement et très nettement, au cours d'un comité d'entreprise par exemple. Qu'à cela ne tienne, il faut se battre pour ce que l'on croit juste et puis YOLO de toute façon : vous écrivez un mail à tous les collaborateurs, clients et fournisseurs de votre employeur pour réitérer votre demande avec force.
Vous risquez sans doute, a minima, une sérieuse discussion entre quatre yeux dans le bureau du patron. Voire plus grave, comme un licenciement pour faute.
Eh bien Valérie Debord n'est pas du genre à se laisser impressionner par de telles conséquences. Rebelle, la vice-présidente LR de la région Grand Est, ancienne porte-parole de Les Républicains époque Sarkozy et ardente supportrice de l'ex-chef de l'État, n'a donc pas peur de s'opposer aux décisions pourtant semble-t-il irrévocables du nouveau leader de la droite, François Fillon.
Car Valérie Debord veut que la défiscalisation des heures supplémentaires, mesure symbolique du quinquennat de Nicolas Sarkozy supprimée par François Hollande, soit intégrée dans le programme présidentiel du vainqueur de la primaire. Elle en a une nouvelle fois exprimé le souhait, sur Twitter mercredi 11 janvier :
Redonner du pouvoir d'achat aux Français est une nécessité, défiscaliser les heures sup est un moyen d'y parvenir #ValeurTravail
— Valérie Debord (@DebordValerie) 11 janvier 2017
Il était alors 10 heures tout rond et cette précision a son importance. Car à peine moins d'une heure et demi plus tôt, sur BFMTV,François Fillon avait répété sans ambiguïté qu'il ne proposerait pas cette réforme. Et le candidat à la présidentielle d'en expliquer les raisons :
"On est en 2017, on n'est pas en 2007. Il y a dix ans, on a défiscalisé les heures supplémentaires ; aujourd'hui, ça n'aurait aucun sens. Ça n'aurait aucun sens de subventionner les entreprises pour que les Français travaillent plus, de les subventionner pour les 35 heures, c'est-à-dire de les subventionner des deux côtés, et d'emprunter sur les marchés internationaux pour financer tout ça, voilà.
La réponse, elle est : non.
"
Clair, mais visiblement pas suffisamment pour Valérie Debord. Cette fin de non-recevoir était alors adressée nommément à Laurent Wauquiez qui, plus tôt sur RTL, avait lui aussi plaidé pour le retour des heures sup' défiscalisées dans le programme de François Fillon, au nom de "la valeur travail" si chère à la droite et de l'augmentation du pouvoir d'achat des Français.
Le vice-président du parti exprimait donc un vœu diamétralement opposé à celui de son N+1, mais au moins le faisait-il AVANT que ce dernier ne puisse lui répondre. Et il n'a pas moufté depuis.
Toute cette séquence illustre les tiraillements internes à LR à la suite de la primaire et les récriminations que les sarkozystes déçus des débuts de l'ère Fillon cachent de moins en moins. Et cela amuse grandement les adversaires du parti de droite, à l'instar d'un Jean-Christophe Cambadélis activant son "mode troll" et comparant cet incident disciplinaire à la fronde de certains députés socialistes opposés à la politique économique du gouvernement. Le Premier secrétaire du PS s'en est frotté les mains sur Twitter :
Pas encore élu et déjà des frondeurs!C'est la signification de la passe d'armes @FrancoisFillon / @laurentwauquiez
— Jean-Chr. Cambadélis (@jccambadelis) 11 janvier 2017
[EDIT 17h32]
Interrogé par Le Lab, Daniel Fasquelle a assuré que le tweet de Valérie Debord relevait de la "position personnelle". Selon cet ancien soutien de Nicolas Sarkozy, il faut adresser "un message fort à l'égard des salariés". "La réponse n'est pas forcément les heures supplémentaires défiscalisées", a estimé le trésorier des Républicains, qui reconnaît qu'il y a encore un travail de "pédagogie, d'explication" à faire sur le programme de François Fillon.
Toutefois, les prises de position de Valérie Debord et de Laurent Wauquiez n'augurent-elles pas une fronde des sarkozystes ? "Il n'y a plus de sarkozystes, il n'y a plus que des fillonistes", a rétorqué le député du Pas-de-Calais.